LE RETOUR DU GRAND ORGUE

LES NOUVELLES CALEDONIENNES

Publié le samedi 19 mai 2012 à 03H00

Muet depuis bientôt trois ans, l’instrument phare de la cathédrale avait été démonté pièce par pièce pour être réparé à Gênes. Après des mois de restauration, l’orgue fera de nouveau entendre le son de sa voix, ce dimanche, à la messe de 9 heures.

Dans la famille Marin, on est facteur d’orgues de père en fils depuis 1860. Mais c’est la première fois que Raffaele quitte son pays pour accompagner un instrument.

Pour découvrir le miracle accompli par les artisans italiens, il faut gravir l’escalier en colimaçon qui mène à la tribune de la cathédrale. Même silencieux, l’instrument impose le respect tant la restauration de ses mille tuyaux est réussie. Pour le plaisir des oreilles, Mauro Cossu, l’un des artisans, s’assoie derrière le clavier et entame un morceau qui donne au lieu une toute autre dimension. « C’est un immense bonheur. On l’entend tel qu’il avait été harmonisé à l’origine », se réjouit Roger Boisne, l’un des trois organistes de la cathédrale, trop heureux de pouvoir bientôt rejouer sur son instrument fétiche.

Patrimoine. Il y a déjà trois mois que le grand orgue est revenu d’Italie. Mais l’instrument n’a pas encore chanté en public. Pièce par pièce, cet objet centenaire, classé aux Monuments historiques depuis 1992, a été remonté à l’identique. C’est Mario Marin, ingénieur de métier, en mission à Nouméa pour le compte de la SLN, qui est en partie responsable de cette renaissance. Alors qu’il était chargé de la construction et de l’entretien des fours de Doniambo, lors d'une messe à laquelle il assistait, il s'était rendu compte des problèmes de santé de l’instrument et avait proposé les services de ses frères Paolo et Raffaele, facteurs d’orgues à Gênes.

Continent. Malgré ses quatre tonnes et ses 985 tuyaux, le vieil orgue avait fait le chemin inverse par bateau, fin 2010, pour retrouver le Vieux continent d’où il est originaire. « Il avait été construit en 1908 à Paris par la maison Muttin-Cavaillé Coll et était arrivé à Nouméa le 31 janvier 1909 », rappelle Yves Berge, le président de l’Association des Amis de l’orgue de la cathédrale, et organiste, lui aussi. Déjà, l’histoire de l’instrument était scellée à celle de la SLN. « Il avait été transporté dans six caisses en bois sur l’Alice, un voilier du Nickel », souligne Yves Berge.

Après plusieurs mois de réparation à Gênes, l’orgue a retrouvé son Caillou. C’est Paolo Marin qui s’est attelé à la mécanique, avant de passer la main à son frère Raffaele pour l’harmonisation. « Les deux frères travaillent ensemble. Ça fait trente-sept ans qu’ils font ça », précise Margherita, la fille de Raffaele, étudiante en microbiologie et interprète pour l’occasion. Dans la famille Marin, les garçons sont facteurs d’orgues de père en fils depuis la création de la maison, en 1860.

Pour restaurer l’instrument, ces artisans ont dû tenir compte de plusieurs paramètres, dont le taux d’humidité qui diffère des climats européens. « Le comportement de cet orgue est très bon, même sous ce climat tropical », indique Yves Berge. Les instruments étant « toujours conçus et réglés en fonction du volume et des matériaux du bâtiment », l’harmonisation de l’instrument ne pouvait se faire qu’une fois à Nouméa,  souligne l’organiste.

Italiens. « Les Italiens ont fait un travail fantastique ! s’enthousiasme Roger Boisne. Un instrument comme ça, ça n’a pas de valeur. C’est une pièce de patrimoine irremplaçable. » Acheté 15 000 francs en 1908, le grand orgue a été assuré pour une valeur de 35 millions lors de son voyage vers l’Italie.

Ce dimanche, les fidèles risquent d’être nombreux   pour le retour de ce bijou patrimonial à la cathédrale. L’instrument restauré sera béni lors de la messe de 9 heures. Avant le grand concert de mercredi.

Le chiffre : 18

C’est, en millions de francs, le montant définitif des travaux de restauration. Soit 3 millions de plus que ce qui avait été estimé au départ. L’orgue étant classé au patrimoine, la province Sud finance 70 % du montant prévisionnel. Le reste est à la charge de l’association.

Repères

Concert mercredi
Chargé d’harmoniser le grand orgue, Mauro Cossu n’est pas seulement doué pour la mécanique instrumentale. C’est aussi un organiste de renom. Le musicien, qui a fait ses classes à Gênes, sa région natale, a donné de nombreux concerts dans son pays et à l’étranger. Parmi les plus marquants : sa prestation devant le pape Benoît XVI, à Savone, en Italie. C’est lui qui interprétera le concert d’inauguration du grand orgue, mercredi soir, à 20 heures, à la cathédrale. L’événement est gratuit, mais les dons seront les bienvenus.

Parrainez un orgue
On ne le sait pas forcément mais parrainer un orgue, c’est possible. Ou plus précisément un tuyau. L’ Association des Amis de l’orgue de la cathédrale a édité des bulletins de parrainage sur lesquels figurent la liste des dons et les tarifs adéquats. Il faut compter entre 1 000 et 2 000 francs pour les petits tuyaux, 3 000 et 5 000 pour les moyens et entre 10 000 et 15 000 pour les grands. Sachant que l’orgue compte très exactement 985 tuyaux, il va lui falloir beaucoup d’amis pour financer ses réparations.